Saturday, 28 May 2022

Et si vous m'expliquiez le bouddhisme? - Hommage à Manjushri

 Manjushri (source: wikipedia et manjushri.com)

Le bodhisattva est considéré comme le prince héritier des enseignements bouddhistes, ou celui qui peut le mieux expliquer la sagesse bouddhiste, qui est capable d'éteindre les afflictions et d'apporter l'illumination. Manjushri a ce titre parce qu'il y a des éons, il était l'instructeur de sept bouddhas différents, le dernier étant le bouddha Sakyamuni.

Manjushri est souvent représenté avec sa main droite tenant une épée flamboyante à double tranchant et sa main gauche tenant une fleur de lotus sur laquelle repose le Prajnaparamita (Grande Sagesse) Sutra. On le voit souvent chevauchant un lion. Le Prajnaparamita Sutra sur la fleur de lotus symbolise la sagesse aussi pure que le lotus. L'épée représente l'acuité de la sagesse qui coupe à travers l'illusion. Le lion est appelé le roi des cent animaux, et cela symbolise la majesté sévère de la sagesse.

Ses différents aspects sont inspirés de son image dans les soutras, où les subtilités philosophiques et métaphysiques sont souvent présentées par le biais de débats entre bodhisattvas. Il représente l’un des éléments nécessaires pour atteindre l’illumination, la sagesse; les trois autres principaux bodhisattvas représentent Avalokiteśvara, la compassion, Samantabhadra, la pratique, Kshitigarbha, le vœu. Son importance grandit parfois jusqu’à en faire le maître des autres, il représente alors la réalisation spirituelle au plus haut niveau.

Voir: Le debat dans la tradition bouddhiste comme méthode d'enseignement.

Les trois types d'hommage

Les enseignements du Bouddha sont classés en trois groupes appelés pitakas (voir post 8 janvier).  Au IXème s. le rois du Tibet établirent une règle, de sorte qu'il y avait un hommage du traducteur spécifique pour chaque type d'enseignement du canon bouddhiste Tibétain (Kangyur et Tengyur):
  • Vinaya (comportement de la communauté monastique): hommage au Bouddha
  • Abhidharma (psychologie et philosophie bouddhiste): hommage à Manjushri
  • Sutras (instructions de méditation): hommage aux bouddhas et bodhisattvas

Les cinq familles de bouddhas et les cinq sagesses (source centrebouddhisteparis.org)

Chacun des cinq bouddhas symbolise un aspect différent de la sagesse. Ces aspects de la sagesse sont collectivement appelés les « cinq jñanas », les « cinq sagesses » ou les « cinq connaissances ».

La première des cinq sagesses est la sagesse du dharmadhatu, et est symbolisée par Vairocana. C'est la sagesse de base, les quatre autres en étant des aspects particuliers. Le terme dharmadhatu est un terme difficile. Dhatu signifie « domaine », ou « royaume », ou « champ », et représente ici l'ensemble du cosmos. Dharma signifie ici « réalité », « vérité », l'« ultime ». Le dharmadhatu est donc l'univers considéré comme le domaine de manifestation de la réalité, ou l'univers conçu comme étant entièrement pénétré par la réalité. Tout comme la totalité de l'espace est remplie par les rayons du soleil, la totalité de l'existence, avec ses systèmes galactiques, ses soleils, ses dieux et ses hommes, est remplie par la réalité elle-même. C'est un champ pour la manifestation, le jeu, l'expression et l'exubérance de la réalité.

La sagesse du dharmadhatu est donc la connaissance directe de l'ensemble du cosmos comme n'étant pas différent de la réalité. Non pas que le cosmos soit effacé ou oblitéré. Le cosmos est toujours là et vous le voyez toujours. Les maisons, les arbres, les champs, les hommes et les femmes, le soleil, la lune et les étoiles sont tous là, tout comme avant, mais ils sont maintenant remplis par la réalité. Vous voyez en même temps le cosmos et la réalité, l'un ne fait pas obstruction à l'autre. Vous voyez le cosmos, vous voyez la réalité. Vous voyez la Réalité, vous voyez le cosmos. Le cosmos est la réalité, la réalité est le cosmos. Le rupa est la shunyata, la shunyata est le rupa.

Puis, en second, vient la sagesse-semblable-au-miroir, symbolisée par Akshobhya. Cette sagesse est comme un miroir car, tout comme un miroir reflète tous les objets, l'esprit Éveillé reflète tout : il voit tout, de tout il comprend la vraie nature. Si vous regardez dans les profondeurs de l'esprit Éveillé, vous voyez tout.

Tous les objets du monde se reflètent dans les profondeurs de l'esprit Éveillé, mais l'esprit Éveillé n'est pas affecté par eux, ils ne s'y attachent pas. Si vous prenez un miroir et placez un objet en face de lui, l'objet est réfléchi. Si vous enlevez cet objet et mettez un autre objet en face du miroir, le miroir reflète ce dernier. Quand vous déplacez l'objet, ou quand vous déplacez le miroir, vous voyez que le reflet n'est pas attaché. L'esprit Éveillé est juste comme cela : il reflète mais rien ne s'y attache. Notre esprit, cependant, est très différent. Si vous poursuivez l'illustration, vous pouvez dire que notre esprit est une sorte de miroir, mais que tous les reflets s'y attachent. En fait non seulement ils s'attachent, mais ils se solidifient, ils s'empêtrent tous. Parfois, même, le miroir s'attache à l'objet de telle sorte que vous ne pouvez plus les séparer. En d'autres termes, dans l'esprit Éveillé il n'y a pas de réaction subjective, pas d'attachement subjectif ; il y a une objectivité pure et parfaite - tout comme un miroir réfléchissant tout ce qui existe.

La troisième est la sagesse de l'égalité ou de l'identité. Elle est symbolisée par Ratnasambhava. L'esprit Éveillé voit tout avec une objectivité complète. L'esprit Éveillé voit la même réalité dans tout, la même sunyata dans tout, et a donc la même attitude envers tout. Il voit qu'un homme est un homme, qu'une femme est une femme, qu'une fleur est une fleur, qu'un arbre est un arbre, qu'une maison est une maison, que le soleil est le soleil, et que la lune est la lune. Il voit tout cela, mais en même temps il en voit la Réalité commune, et a donc une attitude identique envers tout. L'esprit Éveillé a un esprit égal envers tout. Il y a le même Amour, la même Compassion pour tout, sans aucune distinction ni discrimination. On dit parfois que l'Amour et la Compassion de l'esprit Éveillé tombent sans discrimination sur tous les êtres, sur tous les objets, sur toutes les choses, tout comme les rayons du soleil tombent ici sur les toits d'or d'un palais et là sur une bouse de vache : c'est le même soleil. L'esprit Éveillé brille avec son Amour et sa Compassion sur le grand et sur le petit, sur le « bon » et sur le « mauvais ».

La quatrième est la sagesse toute-discriminante. Cette sagesse est symbolisée par Amitabha. Le miroir, nous l'avons vu, reflète également toutes les choses, mais en même temps ne confond ni ne rend flous leurs traits distinctifs : le miroir reflète les moindres détails. Ceci est très important. Ceci signifie que l'esprit Éveillé ne voit pas seulement l'unité des choses, ou seulement leur diversité, mais qu'il voit les deux à la fois.

L'esprit Éveillé, en particulier sous cet aspect de la sagesse toute-discriminante, ne voit pas que l'unité des choses ; il voit aussi la différence entre les choses, leur caractère unique, et il les voit simultanément. Il ne réduit pas la pluralité à une unité, il ne réduit pas l'unité à une pluralité : il voit l'unité et la pluralité.

Le bouddhisme, à un niveau philosophique, n'est ni un monisme, dans lequel toutes les différences sont éliminées, ni un pluralisme, dans lequel toute unité disparaît. Il n'est ni moniste ni pluraliste. Dans la vision bouddhique de l'existence, l'unité n'oblitère pas la différence, la différence n'oblitère pas l'unité. Nous ne pouvons nous empêcher de voir tantôt l'une, tantôt l'autre, mais l'esprit Éveillé voit en même temps l'unité et la différence. Il voit que vous êtes uniquement vous-même, et en même temps il voit que vous tous êtes un. Et vous êtes un en même temps que vous êtes individuellement vous-même. Et en même temps que vous êtes individuellement vous-même, vous épanouissant avec toutes vos particularités, vous êtes tous un. Ces deux choses, l'unité et la différence, le monisme et le pluralisme, ne sont pas des choses différentes ; nous ne disons pas qu'elles ne font qu'un, mais elles ne font pas deux.

Cinquièmement et dernièrement, il y a la sagesse toute-accomplissante, symbolisée par Amoghasiddhi. L'esprit Éveillé se voue au bien-être de tous les êtres vivants. En faisant cela, il conçoit de nombreux « moyens habiles » pour aider les gens. L'esprit Éveillé aide naturellement et spontanément les êtres vivants. Nous ne devons pas imaginer le bodhisattva, ou l'esprit Éveillé, s'asseyant un matin et pensant : « Comment puis-je aller aider quelqu'un aujourd'hui ? Cette personne-là a-t-elle plus besoin d'aide que celle-ci ? Peut-être vais-je aller aider celle-ci aujourd'hui. » L'esprit Éveillé ne fonctionne pas comme cela : il fonctionne librement, spontanément, naturellement.

Les quatre incommensurables (source : rigpawiki.org)

  •  Équanimité (Tib. tangnyom), qui est le souhait que les êtres puissent être libérés de l'attitude d'attachement à certains et d'aversion pour les autres.
  • Amour (tib. jampa), qui est le souhait que les êtres vivants aient le bonheur et ses causes.
  • Compassion (Tib. nyingjé), qui est le souhait que les êtres vivants soient libérés de la souffrance et de ses causes.
  •  Joie (Tib. gawa), qui est le souhait que les êtres vivants puissent rester heureux et que leur bonheur puisse encore augmenter.


Comment pratiquer les quatre incommensurables

1. Équanimité

Au départ, nous devons former l'esprit à l'équanimité. La manière dont nous sommes actuellement attachés à nos amis et agressifs envers nos ennemis est une faute qui vient de ne pas avoir examiné la situation à fond. En réalité, les soi-disant « ennemis » d'aujourd'hui ont, au cours de nos nombreuses vies passées, été de chers amis qui nous ont énormément aidés. Et ceux que nous considérons actuellement comme nos « amis » ont été nos ennemis dans les vies passées, nous ayant causé un tort considérable.

Le Noble Katyayana a dit :

Il mange la chair de son père en frappant sa propre mère,
Et berce sur ses genoux l'ennemi qu'il a tué.
La femme ronge les os de son mari.
Samsara est suffisant pour vous faire rire aux éclats !

Reconnaissez que ce biais, qui nous amène actuellement à voir certaines personnes comme nos amis et d'autres comme nos ennemis, est le résultat d'être pris sous le pouvoir de l'ignorance. Entraînez votre esprit jusqu'à ce que vous ressentiez une attitude bienveillante, comme celle que vous avez maintenant envers votre mère et votre père actuels, envers tous les êtres, en particulier vos « ennemis » et ceux qui vous créent des obstacles.

2. Amour

Alors, puisque ces êtres vous ont témoigné la même gentillesse que vos parents actuels, cultivez l'amour pour eux tous et souhaitez-leur le bonheur de vous rendre leur gentillesse passée. Entraînez-vous à être comme des parents s'occupant d'un petit enfant, ou une maman oiseau s'occupant de son petit, afin que toutes vos actions du corps, de la parole et de l'esprit ne soient entreprises que pour assurer le bonheur et le bien-être des autres.

3. Bienveillance

Cultivez la compassion, qui est le souhait que les êtres soient libérés de la souffrance. Imaginez un prisonnier sur le point d'être exécuté, ou un animal à l'abattoir, et mettez-vous à leur place, ou imaginez qu'ils sont votre chère mère. Lorsque vous éprouvez un sentiment de compassion d'une intensité insupportable pour eux, considérez que bien que celui qui éprouve une telle souffrance ne soit pas réellement votre mère ou votre père dans cette vie, il ou elle a été votre mère et votre père d'innombrables fois au cours de vos innombrables vies. Entraînez-vous à cultiver cette compassion jusqu'à ce que vous ressentiez la même compassion pour tous les êtres sensibles que vous ressentez pour votre propre mère et votre propre père.

4 . Joie

Chaque fois que vous voyez quelqu'un qui est riche et puissant, et appréciant apparemment tous les plaisirs des royaumes supérieurs, ou chaque fois que vous voyez quelqu'un qui possède les qualités pour apprendre et réaliser le Dharma, ne ressentez pas de ressentiment ou d'envie envers lui, même si vous le considérez être un ennemi. Au lieu de cela, soyez joyeux et faites le vœu que leurs richesses et leur pouvoir augmentent encore davantage. Et priez pour que tous les êtres sensibles puissent connaître le même genre de bonne fortune. Entraînez votre esprit de cette façon, encore et encore.


Si, lorsque vous pratiquez l'entraînement de l'esprit à ces quatre incommensurables, vous procédez graduellement — en considérant d'abord vos propres parents ; puis y compris vos amis et parents ; et enfin étendre la pratique à vos ennemis — vous ressentirez le même amour et la même compassion pour vos ennemis que pour vos parents. C'est la mesure de votre entraînement mental.

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