Saturday, 5 February 2022

Le cœur de la compréhension - 5. Continuation heureuse

Continuation heureuse

« Écoute, Shariputra, tous les dharmas portent l’empreinte de la vacuité ; ils ne sont ni produits ni détruits. »

Les dharmas, ici, signifient les choses. Un être humain est un dharma. Un arbre est un dharma. Un nuage est un dharma. La lumière du soleil est un dharma. Tout ce qui peut être conçu est un dharma. Ainsi, lorsque nous disons : « Tous les dharmas portent l’empreinte de la vacuité, » nous disons « tout a la vacuité comme sa propre nature. » Et c’est la raison pour laquelle tout peut être. Il y a beaucoup de joie dans cette déclaration. Cela signifie que rien ne peut naître, rien ne peut mourir. Avalokita a dit quelque chose d’extrêmement important.

Chaque jour dans notre vie, nous voyons la naissance et nous voyons la mort. Lorsqu’une personne naît, un certificat de naissance est imprimé pour elle. Après sa mort, afin de l’enterrer, on établit un certificat de décès. Ces actes confirment l’existence de la naissance et du décès. Mais Avalokita a dit : « Non, il n’y a ni naissance ni mort. » Nous devons chercher plus profondément afin de voir si son affirmation est vraie.

Quelle est la date à laquelle vous êtes né, votre date de naissance ? Avant cette date, existiez-vous déjà ? Étiez-vous déjà là avant votre naissance ? Laissez-moi vous aider. Naître signifie que vous devenez quelque chose à partir de rien. Ma question est, avant votre naissance, étiez-vous déjà là ?

Supposons qu’une poule soit sur le point de pondre un œuf. Avant qu’elle donne naissance, pensez-vous que l’œuf soit déjà là ? Oui, bien sûr. Il est à l’intérieur. Vous étiez aussi à l’intérieur avant d’être à l’extérieur. Cela signifie qu’avant votre naissance, vous existiez déjà à l’intérieur de votre mère. Le fait est que si quelque chose est déjà là, elle n’a pas besoin de naître. Naître signifie vous devenez quelque chose à partir de rien. Si vous êtes déjà quelque chose, à quoi sert de naître ?

Ainsi, votre soi-disant anniversaire est vraiment votre jour de continuation. La prochaine fois que vous le célébrerez, vous pourrez dire « Joyeux Jour de Continuation ». Je pense que nous pourrions avoir une meilleure idée du moment où nous sommes nés. Si nous revenons en arrière de neuf mois, au moment de notre conception, nous avons une meilleure date à mettre sur nos certificats de naissance. En Chine, ainsi qu’au Vietnam, à votre naissance, vous êtes déjà considéré comme ayant un an. Alors nous disons que nous commençons à être au moment où nous sommes conçus au sein de notre mère et nous écrivons cette date sur notre certificat de naissance.

Mais la question demeure : avant cette date existiez-vous ou non ? Si vous dites « Oui », je pense que vous avez raison. Avant votre conception, vous étiez déjà là, peut-être à moitié chez votre père, à moitié chez votre mère. Parce qu’à partir de rien, nous ne pouvons jamais devenir quelque chose. Pouvez-vous nommer une chose qui n’était autrefois rien ? Un nuage ? Pensez-vous qu’un nuage peut naître de rien ? Avant de devenir un nuage, c’était de l’eau, coulant peut-être comme une rivière. Ce n’était pas rien. Êtes-vous d’accord ?

Nous ne pouvons concevoir la naissance de quoi que ce soit. Il n’y a que la continuation. Si vous regardez en arrière encore plus loin, vous verrez que, non seulement vous existez dans votre père et votre mère, mais vous existez aussi dans vos grands-parents et dans vos arrière-grands-parents. En regardant plus profondément, je peux voir que dans une vie antérieure j’étais un nuage. Ce n’est pas de la poésie ; c’est de la science. Pourquoi est-ce que je dis que dans une vie antérieure j’étais un nuage ? Parce que je suis toujours un nuage. Sans le nuage, je ne pourrais pas être ici. Je suis le nuage, la rivière et l’air en ce moment même, donc je sais que dans le passé j’ai été un nuage, une rivière, et de l’air. Et j’étais un rocher. J’étais les minéraux dans l’eau. Ce n’est pas une question de croyance en la réincarnation. C’est l’histoire de la vie sur la terre. Nous avons été gaz, soleil, eau, champignons et plantes. Nous avons été des êtres unicellulaires. Le Bouddha a dit que dans l’une de ses vies antérieures, il était un arbre. Il était un poisson. Il était un cerf. Ce ne sont pas des choses superstitieuses. Chacun de nous a été un nuage, un cerf, un oiseau, un poisson, et nous continuons d’être ces choses, pas seulement dans nos vies antérieures.

Ce n’est pas juste seulement le cas avec la naissance. Rien ne peut naître et rien non plus ne peut mourir. C’est ce que dit Avalokita. Pensez-vous qu’un nuage peut mourir ? Mourir signifie qu’à partir de quelque chose vous devenez rien. Pensez-vous que nous pouvons transformer quelque chose en rien ? Revenons à notre feuille de papier. Nous pouvons avoir l’illusion que pour la détruire la seule chose à faire est d’enflammer une allumette et de la brûler. Mais si nous brûlons une feuille de papier, une partie d’elle deviendra de la fumée, et la fumée se lèvera et continuera à être. La chaleur causée par la combustion du papier entrera dans le cosmos et pénétrera d’autres choses, parce que la chaleur est la prochaine vie du papier. Les cendres générées deviendront de la terre et la feuille de papier, dans sa prochaine vie, pourrait être un nuage et une rose à la fois. Nous devons être très prudents et attentifs pour nous rendre compte que cette feuille de papier n’est jamais née et ne mourra jamais. Elle peut exister sous d’autres formes, mais nous ne sommes pas capables de transformer une feuille de papier en néant.

Tout est comme ça, même vous et moi. Nous ne sommes pas soumis à la naissance et à la mort. Un maître Zen pourrait donner à un étudiant un sujet de méditation comme : « Quel était votre visage avant la naissance de vos parents ? » C’est une invitation à voyager dans le but de vous reconnaître vous-même. Si vous le faites bien, vous pourrez voir vos vies antérieures ainsi que vos vies futures. Rappelez-vous que nous ne parlons pas de philosophie ; nous parlons de la réalité. Regardez votre main et demandez-vous, « Depuis quand ma main a-t-elle été là ? » Si je regarde profondément dans ma main, je peux voir qu’elle existe depuis longtemps, plus de 300 000 ans. Je vois beaucoup de générations d’ancêtres en elle, non seulement dans le passé mais également, encore en vie, dans le moment présent. Je ne suis que la continuation. Je ne suis pas mort une seule fois. Si j’étais mort une seule fois, comment ma main pourrait-elle être encore là ?

Le scientifique français Lavoisier a dit : « Rien ne se crée, rien ne se perd ». C’est exactement la même chose que dans le Soutra du cœur. Même les meilleurs scientifiques contemporains ne peuvent réduire au néant quelque chose d’aussi petit qu’un grain de poussière ou un électron. Une forme d’énergie ne peut devenir qu’une autre forme d’énergie. Quelque chose ne peut jamais devenir rien, et cela inclut un grain de poussière.

Habituellement, nous disons que les humains viennent de la poussière et retourneront à la poussière et cela ne semble pas très joyeux. Nous ne voulons pas retourner à la poussière. Il y a ici une discrimination : les humains seraient très précieux et la poussière n’aurait aucune valeur. Mais les scientifiques ne savent même pas ce qu’est un grain de poussière ! C’est encore un mystère. Imaginez un atome de ce grain de poussière, avec des électrons voyageant autour de son noyau à 250 000 kilomètres par seconde. C’est très excitant. Retourner à un grain de poussière sera vraiment une aventure excitante !

Parfois, nous avons l’impression que nous comprenons ce qu’est un grain de poussière. Nous prétendons même que nous comprenons un être humain — un être humain dont nous disons qu’il deviendra poussière. Parce que nous avons vécu pendant 20 ou 30 ans avec une personne, nous avons l’impression que nous savons tout sur lui ou elle. Ainsi, lorsque nous conduisons et que cette personne est assise juste à côté de nous, nous pensons à d’autres choses. Nous ne nous intéressons plus à elle. Quelle arrogance ! La personne assise à notre côté est vraiment un mystère ! Nous avons seulement l’impression que nous la connaissons, mais nous ne savons rien encore. Si nous regardons avec les yeux d’Avalokita, nous verrons que même un seul cheveu de cette personne est le cosmos entier. Un cheveu sur sa tête peut être une porte qui s’ouvre sur la réalité ultime. Un grain de poussière peut être le Royaume des Cieux, la Terre Pure. Quand vous voyez que vous, le grain de poussière, et toutes choses, inter-sont, vous comprendrez qu’il en est ainsi. Nous devons être humbles. « Dire que vous ne savez pas, c’est le début du savoir », est un proverbe chinois.

Un jour d’automne, j’étais dans un parc, absorbé dans la contemplation d’une très petite mais belle feuille de la forme d’un cœur. Sa couleur était presque rouge et elle était à peine accrochée à la branche, quasi prête à tomber. J’ai passé beaucoup de temps avec elle et lui ai posé beaucoup de questions. J’ai découvert que la feuille avait été la mère de l’arbre. En général, nous pensons que l’arbre est la mère et les feuilles ne sont que des enfants, mais en regardant la feuille j’ai vu que la feuille était aussi une mère pour l’arbre. La sève que les racines prennent n’est que de l’eau et des minéraux ; ce n’est pas assez pour nourrir l’arbre si bien que l’arbre envoie la sève aux feuilles. C’est la responsabilité des feuilles de transformer, avec l’aide de la lumière du soleil et CO2, cette sève brute en sève élaborée et de la renvoyer pour nourrir l’arbre. Par conséquent, les feuilles sont aussi la mère de l’arbre. Et comme la feuille est liée à l’arbre par une tige, la communication entre elles est facile à voir.

Nous n’avons plus de tige qui nous relie à notre mère, mais quand nous étions dans son ventre nous avions une tige très longue, un cordon ombilical. L’oxygène et la nourriture dont nous avions besoin nous arrivait à travers de cette tige. Malheureusement, le jour que nous appelons notre anniversaire, elle a été coupée et ceci a créé l’illusion que nous sommes indépendants. C’est une erreur. Nous continuons à avoir besoin de notre mère pendant très longtemps. Et nous avons également plusieurs autres mères. La Terre est notre mère. Nous avons un grand nombre de tiges qui nous relient à la nôtre Mère Terre. Il y a une tige qui nous relie avec le nuage. S’il n’y a pas de nuage, nous n’avons pas d’eau à boire. Nous sommes constitués d’au moins septante pour cent d’eau ; la tige entre le nuage et nous est vraiment là. C’est aussi le cas avec la rivière, la forêt, le bûcheron, et l’agriculteur. Il y a des centaines de milliers de tiges qui nous relient à tout dans le cosmos et, grâce à ça nous pouvons être. Avez-vous vu le lien entre vous et moi ? Si vous n’êtes pas là, je ne suis pas là. C’est certain. Si vous ne le voyez pas encore, regardez plus profondément et je suis sûr que vous le verrez. Comme je l’ai dit, ce n’est pas de la philosophie. Vous devez vraiment le voir.

J’ai demandé la feuille si elle avait peur parce que c’était l’automne et que les autres feuilles tombaient. La feuille m’a dit : « Non. Pendant tout le printemps et l’été, j’ai été très vivante. J’ai beaucoup travaillé et aidé l’arbre à se nourrir, et une grande partie de moi est dans l’arbre. S’il vous plaît, ne dites pas que je suis juste cette forme, parce que la forme de feuille est seulement une petite partie de moi. Je suis l’arbre entier. Je sais que je suis déjà à l’intérieur de l’arbre, et quand je retournerai au sol, je continuerai à nourrir l’arbre. C’est pourquoi je ne m’inquiète pas. Quand je lâcherai cette branche et flotterai jusqu’au sol, je saluerai l’arbre et lui dirai : “Je te reverrai très bientôt.” »

Soudain, j’ai vu une sorte de sagesse très semblable à la sagesse contenue dans le Sutra du Cœur. Vous devez voir la vie. Vous ne devriez pas dire, la vie de la feuille, vous devriez seulement parler de la vie dans la feuille et de la vie dans l’arbre. Ma vie n’est que la Vie, et vous pouvez la voir en moi et dans l’arbre. Ce jour-là, le vent soufflait et, après un moment, j’ai vu la feuille quitter la branche et flotter jusqu’au le sol, dansant avec joie, parce que, alors qu’elle flottait, elle se voyait déjà dans l’arbre. C’était tellement heureux. J’ai salué en baissant la tête et je savais que nous avions beaucoup à apprendre de la feuille parce qu’elle n’avait pas peur — elle savait que rien ne peut naître et rien ne peut mourir.

Le nuage dans le ciel ne sera pas non plus effrayé. Lorsque le moment arrivera, le nuage deviendra de la pluie. C’est amusant de devenir la pluie, de tomber vers le sol en chantant, et de devenir une partie du Mississippi, de l’Amazone, ou du Mékong, ou de tomber sur un potager pour plus tard devenir partie d’un être humain. C’est une aventure très excitante. Le nuage sait que s’il tombe sur la terre, il pourrait devenir une partie de l’océan. Donc le nuage n’est pas effrayé. Seuls les humains ont peur.

Une vague sur l’océan a un début et une fin, une naissance et une mort. Mais Avalokitésvara nous dit que la vague est vide. La vague est pleine d’eau, mais elle est vide d’un soi séparé. Une vague est une forme qui a été rendue possible grâce à l’existence du vent et de l’eau. Si une vague ne voit que sa forme, avec son début et sa fin, elle craindra la naissance et de la mort. Mais si la vague voit qu’elle est eau, s’identifie à l’eau, alors elle sera émancipée de la naissance et de la mort. Chaque vague est née et va mourir, mais l’eau est libre de la naissance et la mort.

Quand j’étais enfant je jouais souvent avec un kaléidoscope. Je prenais un tube et quelques morceaux de verre du sol, le tournait un peu, et je voyais beaucoup de choses merveilleuses. Chaque fois que je faisais un petit mouvement des doigts, une vue disparaissait et un autre apparaissait. Je ne pleurais pas quand le premier spectacle disparaissait car je savais que rien n’était perdu. Une autre belle vue suivait toujours. Si vous êtes la vague et vous devenez un avec l’eau, en regardant le monde avec les yeux de l’eau, alors vous ne craignez pas de monter, de descendre, monter, descendre. Mais, s’il vous plaît, ne vous contentez pas de spéculer, ou de me croire sur parole. Vous devez y entrer, y goûter et vous-même ne faire qu’un avec cela ; cela peut se faire grâce à la méditation, non seulement sur le coussin, mais tout au long de votre vie quotidienne. Pendant que vous cuisinez un repas, pendant que vous nettoyez la maison, pendant que vous vous promenez, vous pouvez regarder les choses et essayer de les voir dans la nature de la vacuité. Vacuité est un mot optimiste ; ce n’est pas du tout pessimiste. Quand Avalokita, dans sa profonde méditation sur la Compréhension Parfaite, a pu voir la nature de la vacuité, il a soudainement dépassé toute peur et souffrance. J’ai vu des gens mourir très paisiblement, avec un sourire, parce qu’ils voyaient que la naissance et la mort ne sont que des vagues à la surface de l’océan, ne sont que le spectacle du kaléidoscope.

Donc, vous voyez, il y a beaucoup de leçons que nous pouvons apprendre du nuage, de l’eau, de la vague, de la feuille et du kaléidoscope — et aussi de tout le reste du cosmos. Si vous regardez quoi que ce soit avec soin, suffisamment profondément, vous découvrez le mystère de l’inter-être et, une fois que vous l’avez vu, vous ne serez plus soumis à la peur —  la peur de la naissance ou la peur de la mort. La naissance et la mort ne sont que des idées que nous avons dans notre esprit et ces idées ne peuvent pas être appliquées à la réalité. C’est comme l’idée d’au-dessus et d’en-dessous. Nous sommes vraiment sûrs que, lorsque nous pointons notre main vers le haut, c’est au-dessus, et lorsque nous la pointons dans la direction opposée, c’est en dessous. Le paradis est au-dessus et l’enfer est en dessous. Mais les gens en ce moment de l’autre côté de la planète seront en désaccord, parce que l’idée de au-dessus et en dessous ne peut pas s’appliquer à l’univers, exactement comme l’idée de la naissance et la mort.

Alors continuez à regarder le passé et vous verrez que vous avez toujours été ici. Regardons ensemble et pénétrons la vie d’une feuille, afin que nous puissions être un avec la feuille. Pénétrons et soyons un avec le nuage, ou avec la vague, pour réaliser que notre propre nature est l’eau et nous libérer de notre peur. Si nous regardons très profondément, nous transcenderons la naissance et la mort.

Demain, je continuerai à être. Mais vous devrez être très attentif pour me voir. Je serai une fleur ou une feuille. Je serai dans ces formes et je vous dirai bonjour. Si vous êtes assez attentif, vous me reconnaîtrez et vous pourrez me saluer. Je serai très heureux.

Méditation


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