Tuesday, 15 March 2022

Le cœur de la compréhension - 8. Le bouddha est fait d’éléments non-buddha

Le bouddha est fait d’éléments non-buddha

« Par conséquent, dans la vacuité il n’y a ni forme, ni sentiment, ni perception, ni formations mentales, ni conscience ; pas d’œil, pas d’oreille, de nez, de langue, de corps, ou d’esprit, pas de forme, pas de son, pas d’odeur, pas de goût, pas de toucher, pas d’objet de l’esprit ; pas de domaines d’éléments (des yeux à la conscience de l’esprit), pas de coproductions conditionnées et aucune extinction de celles-ci (de l’ignorance à la vieillesse et la mort), pas de souffrance, pas d’origine de la souffrance, pas d’extinction de la souffrance, pas de chemin ; pas de compréhension, pas d’accomplissement. »
Cette phrase commence par la confirmation que les cinq skandhas sont tous vides. Ils ne peuvent pas exister par eux-mêmes. Chacun doit inter-être avec tous les autres skandhas.
La partie suivante de la phrase est une énumération des dix-huit royaumes d’éléments (dhatus). Nous avons d’abord les six organes des sens : les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps et l’esprit. Ensuite, il y a les six objets des sens : la forme, le son, l’odorat, le goût, le toucher et l’objet de l’esprit. La forme est l’objet des yeux, le son est l’objet des oreilles, etc. Enfin, le contact entre ces douze premiers génère le « six consciences » : la vue, l’ouïe, et la dernière est conscience de l’esprit. Ainsi, avec les yeux comme le premier royaume d’éléments et la conscience de l’esprit le dix-huitième, cette partie du sutra dit que pas un seul de ces royaumes ne peut exister par lui-même, chacun peut seulement inter-être avec tous les autres royaumes.
La partie suivante parle des douze coproductions conditionnées (pratitya samutpada), qui commencent avec l’ignorance et se terminent avec la vielleuse et la mort. Le sens du sutra est qu’aucune de ces douze coproductions ne peut exister par elle-même. Chacune dépend de l’existence des autres pour être. Par conséquent, toutes sont vides et, parce qu’elles sont vides, elles existent vraiment. Le même principe s’applique aux Quatre Nobles Vérités : pas de souffrance, pas d’origine de la souffrance, pas d’extinction de la souffrance, pas de chemin. Le dernier élément de la liste est pas de compréhension, pas d’accomplissement. La compréhension (prajña) est l’essence d’un Bouddha. « Pas de compréhension » signifie que la compréhension n’a pas d’existence séparée. La compréhension est faite d’éléments de non-compréhension, tout comme le Bouddha est fait d’éléments non-Bouddha.
Je veux vous raconter une histoire sur Bouddha et Mara. Un jour le Bouddha était dans sa grotte, et Ananda, qui était l’assistant du Bouddha, se tenait dehors près de la porte. Soudain, Ananda vit Mara arriver. Il fut surpris. Il ne voulait pas cela et il souhaitait que Mara s’en aille. Mais Mara marcha directement vers Ananda et lui demanda d’annoncer sa visite au Bouddha.
Ananda dit : « Pourquoi êtes-vous venu ici ? Ne vous rappelez vous pas qu’il y a longtemps vous avez été défait par le Bouddha sous l’arbre du Bodhi ? N’avez-vous pas honte de venir ici ? Partez ! Le Bouddha ne vous recevra pas. Vous êtes malfaisant. Vous êtes son ennemi ». Lorsque Mara entendit cela, il se mit à rire et à rire. « Affirmez-vous que votre maître vous a dit qu’il avait des ennemis ? » Cela rendit Ananda très embarrassé. Il savait que son maître n’avait pas dit qu’il avait des ennemis. Alors Ananda, vaincu, dû entrer pour annoncer la visite de Mara, en espérant que le Bouddha dirait : « Allez lui dire que je ne suis pas ici. Dites-lui que je suis en réunion. »
Mais le Bouddha fut très touché quand il entendit que Mara, ce très vieil ami, était venu lui rendre visite. « Est-ce vrai ? Est-il vraiment là ? » dit le Bouddha, et il sortit en personne pour saluer Mara. Ananda était très affligé. Le Bouddha alla droit vers Mara, s’inclina devant lui, et prit ses mains dans les siennes de la manière la plus chaleureuse. Le Bouddha dit : « Bonjour ! Comment vas-tu ? Comment as-tu été pendant tout ce temps ? Est-ce que tout va bien ? »
Mara ne dit rien. Alors, le Bouddha l’emmena dans la grotte, lui prépara un siège pour s’asseoir et dit à Ananda de faire de la tisane pour eux deux. « Je peux faire de la tisane pour mon maître cent fois par jour, mais la faire pour Mara ce n’est pas la joie, » pensa Ananda. Mais puisque c’était l’instruction de son maître, comment pouvait-il refuser ? Ananda alla donc préparer une tisane pour le Bouddha et son soi-disant invité, mais tout en le faisant il essaya d’écouter leur conversation.
Le Bouddha répéta très chaleureusement : « Comment vas-tu ? Tout se passe-t-il bien pour toi ? »  Mara rétorqua : « Les choses ne vont pas bien du tout. Je suis fatigué d’être Mara. Je veux être autre chose. »
Ananda commença à avoir très peur. Mara dit : « Tu sais, être Mara n’est pas une chose très facile. Si tu parles, tu dois parler par énigmes. Si tu fais quoi que ce soit, tu dois être rusé et avoir l’air diabolique. Je suis très fatigué de tout cela. Mais ce que je ne peux pas supporter, ce sont mes disciples. Ils parlent maintenant de la justice sociale, de la paix, de l’égalité, de la libération, de la non-dualité, de la non-violence, de tout cela. J’ai eu assez ! Je pense que ce serait mieux que je te les confie. Je veux être autre chose. »
Ananda commença à frissonner parce qu’il craignait que son maître ne décide de prendre l’autre rôle. Mara deviendrait le Bouddha et le Bouddha deviendrait Mara. Ça le rendait très triste.
Le Bouddha écouta attentivement et fut rempli de compassion. Enfin, il a dit d’une voix calme : « Penses-tu qu’il est amusant d’être un Bouddha ? Tu ne sais pas ce que mes disciples m’ont fait ! Ils ont mis des mots dans ma bouche que je n’ai jamais prononcés. Ils construisent des temples criards et mettent des statues de moi sur les autels dans le but d’attirer des bananes et des oranges et du riz doux, pour eux-mêmes. Ils me mettent en boite et font de mon enseignement un article de commerce. Mara, si tu savais ce que c’est vraiment qu’être un Bouddha, je suis sûr que tu ne voudrais pas en être un. » Et, là-dessus, le Bouddha récita un long vers résumant la conversation.

Méditation

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