Saturday, 26 March 2022

Le cœur de la compréhension - 10. Svaha!

Svaha!

« Par conséquent, il faut savoir que la Compréhension Parfaite est un grand mantra, le plus élevé des mantra, le mantra sans égal, le destructeur de toute souffrance, l’incorruptible vérité. Un mantra de Prajñaparamita doit donc être proclamé. C’est le mantra : Gate gate paragate parasamgate bodhi svaha. »

Un mantra est quelque chose que vous prononcez quand votre corps, votre esprit et votre souffle sont à l’unisson en profonde concentration. Lorsque vous demeurez dans cette profonde concentration, vous regardez dans les choses et vous les voyez aussi clairement que vous voyez une orange que vous tenez dans la paume de votre main. En regardant profondément dans les cinq skandhas, Avalokitésvara a vu la nature de l’inter-être et a dépassé toute souffrance. Il est devenu complètement libéré. C’est dans cet état de profonde concentration, de joie, de libération, qu’il a prononcé quelque chose d’important. C’est pourquoi sa parole est un mantra.

Quand deux jeunes s’aiment, mais que le jeune homme ne l’a pas encore dit, la jeune femme attend peut-être trois mots très importants. Si le jeune homme est une personne très responsable, il veut sans doute être sûr de ses sentiments, et il peut attendre longtemps avant de les dire. Puis un jour, assis ensemble dans un parc, alors que personne d’autre n’est à proximité et que tout est calme, après qu’ils se soient longtemps tus tous les deux, il prononce ces trois mots. Lorsque la jeune femme entend cela, elle tremble car c’est une déclaration si importante. Quand vous dites quelque chose comme ça avec tout votre être, pas seulement avec votre bouche ou votre intellect, mais avec tout votre être, cela peut transformer le monde. Une déclaration qui a une telle puissance de transformation est appelé un mantra.

Le mantra d’Avalokitésvara est « Gate gate paragate parasamgate bodhi svaha. » Gate signifie parti. Parti de la souffrance à la libération de la souffrance. Parti de l’oubli à la pleine conscience. Parti de la dualité à la non-dualité. Gate gate signifie parti, parti. Paragate signifie parti jusqu’à l’autre rive. Donc ce mantra est dit d’une manière très forte. Parti, parti, complètement parti jusqu’à l’autre rive. Dans parasamgate, sam signifie tout le monde, la Sangha, l’ensemble de la communauté des êtres. Tout le monde, parti jusqu’à l’autre rive. Bodhi est la lumière à l’intérieur, l’illumination ou l’éveil. Vous la voyez et la vision de la réalité vous libère. Et svaha est un cri de joie ou d’émotion, comme « Bienvenue ! » ou « Alléluia ! » « Parti, parti, complètement parti jusqu’à l’autre rive, tout le monde est parti jusqu’à l’autre rive, illumination, svaha ! »

C’est ce que le bodhisattva a prononcé. Quand nous écoutons ce mantra, nous devrions nous mettre dans cet état d’attention, de concentration, de sorte que nous puisons recevoir la force émanée par le Bodhisattva Avalokitésvara. Nous ne récitons pas le Soutra du Cœur comme si nous chantions une chanson ou seulement avec notre intellect. Si vous pratiquez la méditation sur la vacuité, si vous pénétrez la nature de l’inter-être avec tout votre cœur, votre corps et votre esprit, vous réaliserez un état qui est assez concentré. Si vous dites alors le mantra avec tout votre être, le mantra aura du pouvoir et vous serez en mesure d’avoir une communication réelle, une communion réelle avec Avalokitésvara, et vous serez en mesure de vous transformer dans la direction de l’illumination. Ce texte n’est pas seulement fait pour être chanté ou pour être mis sur un autel pour le culte. Il nous a été donné comme un outil de travail pour nous libérer, pour la libération de tous les êtres. C’est comme un outil pour l’agriculture qui est donné pour que nous puissions cultiver. C’est le don que nous fait Avalokita.

Il existe trois sortes de dons. Le premier est le don de ressources matérielles. Le second est le don du savoir-faire, le don du Dharma. Le troisième, le type le plus élevé de don, est le don de la non-peur. Le Bodhisattva Avalokitésvara est quelqu’un qui peut nous aider à nous libérer de la peur. C’est le cœur de la Prajñaparamita.

La Prajñaparamita nous donne un terrain solide pour faire la paix avec nous-mêmes, pour transcender la peur de la naissance et de la mort, de la dualité de ceci et cela. À la lumière de la vacuité, tout est tout le reste, nous inter-sommes, tout le monde est responsable de tout qui se passe dans la vie. Lorsque vous générez la paix et le bonheur en vous-même, vous commencez à générer la paix pour le monde entier. Avec le sourire que vous produisez en vous-même, avec la respiration consciente que vous établissez, vous commencez à travailler pour la paix dans le monde. Sourire n’est pas que sourire pour vous-même ; le monde va changer à cause de votre sourire. Lorsque vous pratiquez la méditation assise, si vous l’appréciez ne fut-ce qu’un instant, si vous établissez la sérénité et le bonheur à l’intérieur de vous, vous fournissez au monde une base solide pour la paix. Si vous n’êtes pas en paix, comment pouvez-vous la partager avec les autres ? Si vous ne commencez pas le travail de paix avec vous-même, où le commencerez-vous ? S’asseoir, sourire, regarder les choses et les voir vraiment, voilà la base du travail pour la paix.

Hier, dans notre retraite, nous avons fait une soirée mandarine. Chacun s’est vu offrir une mandarine. Nous mettions la mandarine sur la paume de notre main et la regardions, en respirant de telle façon que la mandarine est devenue réelle. La plupart du temps quand nous mangeons une mandarine, nous ne la regardons pas. Nous pensons à beaucoup d’autres choses. Regarder une mandarine est voir la fleur se transformant en fruit, voir la lumière du soleil et la pluie. La mandarine dans notre paume est la merveilleuse présence de la vie. Nous pouvons vraiment voir cette mandarine et sentir sa fleur et la terre chaude et humide. Au fur et à mesure que la mandarine devient réelle, nous devenons réels. La vie à ce moment-là devient réelle.

En pleine conscience, nous avons commencé à éplucher notre mandarine et à sentir son parfum. Nous avons pris soigneusement chaque quartier de la mandarine et l’avons mis sur notre langue, et nous avons senti que c’était une vraie mandarine. Nous avons mangé chaque partie de la mandarine en pleine conscience jusqu’à nous ayons fini tout le fruit. Manger une mandarine de cette façon est très important car à la fois la mandarine et le mangeur de la mandarine deviennent réels. Cela, aussi, est le travail de base pour la paix.

Dans la méditation bouddhiste, nous ne luttons pas pour le genre d’illumination qui se produira dans cinq ou dix ans. Nous pratiquons pour que chaque instant de notre vie devienne une vraie vie. Et, par conséquent, lorsque nous méditons, nous nous asseyons pour nous asseoir ; nous ne nous asseyons pas pour autre chose. Si nous restons assis vingt minutes, ces vingt minutes devraient nous apporter joie, vie. Si nous pratiquons la méditation en marchant, nous marchons juste pour marcher, pas pour arriver. Nous devons être vivants à chaque pas, et si nous le sommes, chaque pas nous ramène la vraie vie. Le même genre de pleine conscience peut être pratiqué lorsque nous mangeons notre petit déjeuner ou lorsque nous portons un enfant dans nos bras. Se prendre dans les bras est une coutume occidentale mais nous les orientaux voudrions y ajouter la pratique de la respiration consciente. Lorsque vous tenez un enfant dans vos bras, ou embrassez votre mère ou votre mari ou votre ami, inspirez et expirez trois fois et votre bonheur sera multiplié par au moins dix. Et quand vous regardez quelqu’un, regardez-le vraiment avec la pleine conscience et pratiquez la respiration consciente.

Au le début de chaque repas, je recommande que vous regardiez votre assiette et récitez en silence, « Mon assiette est vide maintenant, mais je sais qu’elle sera remplie d’aliments délicieux dans un instant. » Tout en attendant d’être servi ou de vous servir vous-même, je suggère que vous preniez trois respirations et regardiez encore plus profondément : « En ce moment, beaucoup, beaucoup de gens autour du monde tiennent également une assiette mais la leur sera vide pendant longtemps. » Quarante mille enfants meurent chaque jour à cause du manque de nourriture. Et je parle seulement des enfants. Nous pouvons être très heureux d’avoir une nourriture délicieuse, mais nous souffrons aussi parce que nous sommes capables de voir. Mais quand nous voyons de cette façon, cela nous rend sains d’esprit parce que la voie devant nous est claire — la manière de vivre afin que nous puissions faire la paix avec nous-mêmes et avec le monde. Lorsque nous voyons le bien et le mal, les merveilles et la souffrance profonde, nous devons vivre de telle manière que nous puissions faire la paix avec nous-mêmes et avec le monde. La compréhension est le fruit de la méditation. La compréhension est la base de tout.

Chaque respiration que nous prenons, chaque pas que nous faisons, chaque sourire que nous réalisons est une contribution positive à la paix, un pas nécessaire vers la paix du monde. À la lumière de l’inter-être, la paix et le bonheur dans votre vie quotidienne signifient la paix et le bonheur dans le monde.

Merci d’être si attentif. Merci d’avoir écouté Avalokitésvara. Parce que vous êtes là, le Sutra du Cœur est devenu très facile.


No comments:

Post a Comment